L’après Covid-19 : est-ce bien la ville qu’il faut repenser…ou l’échelle de perception de l’urbanisme ?

La littérature issue de la crise sanitaire que nous traversons appelle, en majorité, à repenser la ville. Effectivement, le comportement grégaire de certains « citadins » a été de fuir cette ville, autrefois chérie, pour s’en aller dans les espaces ruraux, autrefois raillés pour leur manque de dynamisme.

Ainsi, le message de ceux qui votent avec leurs pieds a été de dire que la ville ne protège pas suffisamment et perd de sa fonctionnalité sur des aspects tenant à la qualité de vie et surtout à la santé.

Nous touchons ici un aspect assez troublant de la présomption de culpabilité de la ville.

Effectivement, certaines infrastructures urbaines peuvent, par la concentration de personnes qu’elles impliquent, être un véhicule non négligeable dans la chaine de transmission du Covid … voire d’autres virus à l’avenir. Les transports en commun et collectifs, les immeubles dotés d’espaces communs, les lieux de rassemblements collectifs comme les bars, les pubs, les salles de spectacle, etc., ont été mis en cause.

Avec cette crise sanitaire, il est donc aisé de jouer la partition de la désagrégation spatiale, c’est-à-dire, la fragmentation des territoires entre la ville d’un côté et le rural de l’autre.

Toutefois, une question se pose : est-ce que la ville est la bonne échelle pour recouvrir de la résilience protectrice face à l’imprévu (une pandémie) ou à ce qui est prévu (le changement climatique) ?

De l’urbanisme fonctionnel à l’urbanisme local ?

Il ne faut pas oublier que le XIXème siècle a été le théâtre d’une succession de crises sanitaires qui ont modifié la pensée de l’urbanisme de l’époque. L’urbain est alors empreint de fonctionnalisme : distribution d’eau potable, raccordement aux égouts, collecte de déchets, mise à disposition de salle de bains et de sanitaires dans les logements, etc. Les progrès techniques et technologiques ont accompagné la mue des villes vers toujours plus d’efficience en matière d’hygiène.

Pour autant, si la ville a su se transformer pour améliorer le quotidien sanitaire des gens, elle a été dans le même temps le théâtre d’un double mouvement paradoxal : celui de l’ouverture vers le Monde et d’une relation à la proximité distendue.

Dans ce processus, l’urbanisme, n’est pas absent. De la fonctionnalité hygiéniste à la fonctionnalité économique, en passant par la fonction culturelle ou politique en tant que lieu du pouvoir, l’aménagement des villes s’est peu à peu écarté de la qualité de vie et de la proximité telle que ressentie par les populations. La fonctionnalité traduite à l’échelle de la ville a favorisé un modèle d’harmonisation de l’aménagement à grande échelle, qui a été exporté vers d’autres milieux, ruraux par exemple, et qui a contribué à dissocier les aspirations des populations avec ceux que leur lieu de vie leur offrait.

Or, la crise sanitaire nous met en lumière ce que les citoyens réclament avec force et insistance : un urbanisme à l’échelle du vécu, un urbanisme protecteur dans lequel les fonctions urbaines sont des moyens pour parvenir à cette protection et non une fin en soi.

Ce « vécu protecteur » conduit à mettre en avant la notion « d’espace de vie ».

Ces espaces de vie concernent aussi bien la ville et ses quartiers que les bourgs et les villages de nos campagnes, sans contrevenir à la singularité de chaque espace. Au contraire, des « espaces de vie » complémentaires les uns aux autres permettent d’accéder à une diversité de ressources et à des niveaux de résilience élevés permis par une adaptabilité décentralisée, liée à leur « taille humaine ».

La crise sanitaire nous a permis de voir avec satisfaction la force de réactivité de collectivités qui se sont appuyées sur des réseaux de quartiers, d’entreprises, d’associations, qui ont pensé local au profit d’une action globale, en adaptation des contextes et solidaire.

Cette période inédite pour bien des générations doit nous mener, acteurs de l’urbanisme et collectivités, vers une réflexion moins standardisée, mais plus contextualisée dans laquelle des réseaux d’espaces de vie ne s’opposent pas, au contraire se complètent.

Les documents d’urbanisme : SCoT, PLU(i), entre autres, doivent être la traduction de stratégies territorialisées en écho des espaces vécus par les populations, en réponse aux besoins de protection environnementale, sociale et économique et de proximité auxquels elles aspirent.


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